Gestalt-thérapie & Spiritualité

L'Attachement

 

 La plupart des gens succombent à l’attachement, relique de la petite enfance parce qu’au départ vital pour la survie du nourrisson. L’attachement est défini comme lien que l’enfant, dépendant, établit avec sa mère au départ de sa vie dans le but d’être nourri dans ses besoins fondamentaux de base et de trouver en ce lien une « base de sécurité ». La qualité de l’attachement à la mère conditionne la sociabilité. Les troubles de l’attachement mènent à l’angoisse de séparation ou d’abandon et à divers troubles psychologiques :

-  troubles de l’humeur (TYRELL – DOZIER, 1997) ;
-  troubles anxieux (FONAGY, 1996 ; WARREN, 1999) ;
-  troubles alimentaires : anorexie, boulimie (KOBAK, 1996) ;
-  conduites addictives : toxicomanie, alcoolisme, etc. (FONAGY, 1996) ;
-  troubles limites de la personnalité sous forme de troubles fonctionnels dissociatifs (dépersonnalisation, troubles de mémoire, pensée désorganisée, impulsivité mal contrôlée). (ZANARINI 1989, LIOTTI 1999).

En fonction de l’attitude de la figure maternelle à son égard, l’enfant développe un modèle d’attachement qu’il intériorise et dont il se servira ultérieurement au cours de sa vie dans toutes ses relations sociales et intimes.
Toujours est-il que si l’attachement est indispensable au début de la vie dépendante, il devient pathologique pour un adulte qui se voudrait autonome. (Cf. L’autonomie – Jean-Jacques Daumoine)

 L’attachement, qu’on nomme « tchac » en tibétain, ramène exclusivement à soi. Il représente une saisie sur l’objet et c’est le corollaire de l’envie égocentrique. Contrairement au désir, l’envie est anxiogène et toujours accompagnée de force et de tension. On s’accroche. Lorsqu’un désir n’est pas assouvi, cela entraîne une frustration puis on passe à autre chose. Lorsqu’une envie n’est pas rassasiée, cela conduit à une frustration intolérable, un vide, une souffrance notable et souvent des réactions de violence relationnelle.
L’attachement consiste à vouloir, à orienter les choses, à se lier à l’objet d’amour, à ne pas vouloir le perdre et à s’attendre qu’il dure éternellement. Le plus souvent on est en activité pour le futur afin que la situation devienne ce que je veux qu’elle soit. L’attachement consiste à ne pas supporter que les choses soient différentes de la façon dont on les a imaginées. C’est donc une intolérance à la frustration. Il y a attachement lorsqu’il y a intérêt personnel, égocentrisme, anxiété, excès, maîtrise et contrôle, projection dans le futur et ignorance totale de l’impermanence.  

L’attachement a pour effet direct de perdre la liberté de soi et de l’autre. Saisir les choses condamne la liberté de mouvement. Lorsque je promène mon chien, je perds l’usage d’un bras : celui qui est attaché à la laisse. Dans la rue, si on me confie une mallette remplie de billets de banque, je ne vais plus penser qu’à elle et à ma sécurité, je vais donc perdre ma liberté de penser et d’agir.

Problème d’accoutumance et de conditionnement, l’attachement est comme une drogue, il voile l’esprit et réalise un filtre sur la conscientisation.

 On peut s’attacher à ses amis, à ses amours, à ses enfants, à ses biens matériels, à des idées, à sa santé, à des traits de personnalité, même à sa souffrance.
Si je suis attaché à mes amours ou a mes enfants, ce n’est pas leur bien que je veux, mais le mien.
Si je suis attaché à des concepts ou à des idées, je serais considéré comme personne psychorigide.
Si je suis attaché à ma santé, je ne supporterais pas les tensions, les symptômes ou les douleurs, je voudrais les fuir immédiatement et c’est le meilleur moyen de leur donner de l’importance ou de les renforcer. Si je refuse absolument ma tension douloureuse ou ma dépression, que je veux en sortir immédiatement, je ne suis pas prêt à voir ce qu’elle cherche à exprimer, c'est-à-dire ce qui se cache en dessous et qui l’amène.
Je peux même être attaché à ma souffrance chronique pour au moins trois  raisons : soit j’y trouve bénéfice dans l’empathie et l’intérêt des autres à mon égard, soit elle me caractérise depuis de longues années et constitue véritablement un pan de ma personnalité. Or pour l’ego, rien n’est pire que l’inconnu et l’incertitude changement. En tant qu’humains, le changement nous inquiète toujours. Dans ce cas, perdre sa souffrance revient à se dépersonnaliser. C’est pourquoi on peut être attaché à sa souffrance. L’attachement à la souffrance peut être aussi une manière de me singulariser. Je peux bâtir toutes mes relations autour de cela : devenir bourreau ou terroriste, partir en croisade idéologique, me marier avec une infirmière, côtoyer médecins et sauveurs, œuvrer dans l’humanitaire, devenir psychologue… Lorsque je m’aperçois que c’est un jeu psychologique qui cache des motivations égocentrées devenant conscientes, je peux tout chambouler y compris mon couple et mes relations. La conscientisation crée une prise de recul, on voit que ce n’était pas juste. Les  conséquences font peut être souffrir soi et les autres mais mettent de la clarté pour tout le monde. 

 On confond souvent amour (vers l’Autre) et attachement (vers soi). Dans les relations, l’attachement vient contaminer l’amour pour les raisons ci-dessus décrites. Il mène à la possessivité, à la perversité (déviation du but ou de l’objet) et à la jalousie. Il y a certaines personnes qu’on ressent comme des aspirateurs d’énergie. On se sent pénétré et bouffé par elles, et notre premier réflexe est de nous en distancier.

L’attachement est une énergie plus tournée vers soi que vers l’autre. Donc ce n’est pas de l’amour. Ce serait plutôt une énergie destinée à combler un manque, une envie de contrôle, de maîtrise sur les choses ou les gens, une envie de toute-puissance. Dans le pire des cas, c'est une recherche inconsciente de confirmation de l’échec et de sa nullité personnelle.

 Le corollaire de l’attachement est la frustration, toujours issue de l’attachement. Comme si on était encore petit enfant, on s’attache à quelque chose de toujours extérieur à soi car on l’assimile au bonheur. Nous sommes attaché à notre bonheur, c’est donc un attachement pour soi conférant à la notion de propriété. Nous ne voyons absolument pas que le bonheur repose uniquement sur nous-mêmes, sur la façon dont nous utilisons notre tête et aucunement sur les objets ou personnes extérieures.

Le fait de s’attacher fixe, condamne les choses. Plus on saisit, plus on entrave le libre court naturel, plus on bloque les choses et plus elles nous échappent. Tout change, tout mute, tout est en perpétuel mouvement, à l’instar des poussières qui volent dans le rai de lumière traversant une pièce. J’aime un être cher et suis attaché à cet amour sans me rendre compte qu’il change, qu’il mute, qu’il vieillit, qu’il se transforme. Il change d’idées et de cellules à chaque seconde et moi aussi. A un moment, je vais m’apercevoir que cet amour n’a plus rien à voir avec celui du premier mois et l’attachement va cisailler carrément la relation. Notre attitude va toujours provoquer quelque chose chez l’autre. Je vais exiger qu’il reste ou redevienne comme avant.

S’attacher, c’est vivre avec des œillères, rivé sur son besoin et fermé à l’accueil du mouvement de tous les possibles.

L’attachement entraîne souffrance par l’anxiété de perdre et la force anxiogène qu’il suppose. La souffrance à la séparation ou à la perte d’un objet ou d’une personne est à hauteur du degré d’attachement. En cas de deuil, la souffrance est terrible. Lorsqu’on perd un être cher, on ne peut pas dire qu’on souffre pour lui. Cette souffrance est inutile et peut être contournée en travaillant les antidotes à l’attachement.

 L’antidote à l’attachement est la générosité. L’essence de la générosité est le non-attachement qui confère aux notions de partage et de lâcher-prise. Dans le non-attachement il y a non attente, l’esprit est placé dans l’ici et maintenant, libre donc les possibilités d’ajustement à ce qui se passe sont multiples. Il ne s’agit pas d’être détaché ou indifférent,  soumis ou résigné mais de quitter les attachements afin de redevenir libre et ce n’est pas la même chose. Quand il n’y a plus d’attachement il y a éveil.
Qui ne possède pas ne perd rien mais jouit de tout. 

Plus on relâche l’attachement plus l’Amour est grandiose.
La bonne nouvelle est qu’on peut changer. La mauvaise est que personne ne le fera à notre place et que faire à la place d’autrui est stérile.
Vous saurez véritablement aimer lorsque vous serez autonome, prêts à perdre l’objet ou l’être cher, ce qui est inévitable. A ce moment, vous pourrez prendre véritablement soin de la relation, et vous réjouir de chaque moment dans la plénitude de l’instant présent.