Gestalt-thérapie & Spiritualité

L'infantilisation galopante des adultes et des enfants

L'infantilisation galopante des adultes et des enfants

C'est une maladie nouvelle, qui semble toucher tous les milieux, les pauvres comme les riches, qui n'épargne personne du nord au sud, qui sévit parfois subtilement et d'autres fois avec une violence tous azimuts, sans aucun état d'âme chez ceux qui en dispersent le virus. Nous vivons en effet dans un monde qui, chaque jour, nous infantilise davantage. Un monde qui, trop centré sur la consommation, nous incite à répondre à tous nos désirs ( réalistes ou fantasmés ), en suscite de nouveaux mais se garde bien d'apporter des réponses à nos besoins profonds. En particulier à nos besoins relationnels, dont la satisfaction est pourtant si nécessaire à notre équilibre et à notre santé sociale. Car c'est la maltraitance de nos besoins relationnels ( besoin de se dire, d'être entendu, d'être reconnu, d'être valorisé, de disposer d'une intimité minimale et de pouvoir rêver) qui est à l'origine de la violence et de l'auto-violence que nous sommes capables de jeter contre nos semblables ou contre nous-mêmes.

Nous sommes ainsi au coeur d'un paradoxe, que nous entretenons au quotidien, celui d'être hyper conditionnés à vouloir combler le maximum de nos désirs et celui d'être dans la détresse relationnelle ou l'impuissance à satisfaire nos besoins les plus vitaux.

Nous sommes non seulement devenus des acheteurs compulsifs mais on nous achète aussi avec des cadeaux, des gadgets ou des hochets pour adultes. mes petits déjeuners sont censés m'apporter tout ce dont j'ai besoin pour être dès le matin un excellent consommateur prêt à répondre à toutes les sollicitations. Je suis invité à m'abonner, pour une somme modique à telle revue et je recevrais en plus un lecteur de DVD, un appareil photo ou encore un bon pour gagner une croisière au bout du monde ! je me dois d'être habillé ou chaussé par telle marque, de me déplacer dans tel type de voiture spécialement conçue pour moi et ma famille. Mes rejetons m'encouragent et n'hésitent pas à me harceler pour que je devienne accro de tel chanteur, fasciné par tel rappeur qui lui au moins, prétendent ses fans " a le courage de dénoncer, de tout dire sur le monde pourri" qui nous entoure !

J'ai du mal à résister, car la pression est forte, la tentation est grande d'aller au plus facile. Si tout le monde en parle, je ne peux rester à la traîne, je ne peux rester aveugle et sourd ! De plus, nous avons, nous les parents, les adultes, donné un énorme pouvoir aux enfants. Ils sont d'une habileté incroyable, pour nous prescrire avec des arguments techniques et des preuves à l'appui que je suis en retard, que je n'ai pas conscience que je devrais avoi tel ou tel besoin et donc tel ou tel objet, telle ou telle machine, dont je n'avais pas conscience jusque là, que c'était une nécessité, voire une urgence !

Je me sens infantilisé dans le sens où j'ai le sentiment d'avoir peu de prise et de moins en moins d'influence sur les conditionnements qui pèsent sur moi. Je suis semblable à un noyé qui se débat maladroitement pour tenir la tête hors de l'eau. je suis débordé au quotidien par tant de propositions toutes plus alléchantes les unes que les autres. Je pressens que mon sens critique est laminé, lessivé, que mes valeurs sont affaiblies, qu'elles s'évaporent insidieusement au cours des ans. Ne reste en moi, certains jours, qu'un sentiment flou, qui dérive entre révolte tonique faite d'indignation et une lassitude inscrite dans une acceptation ambigüe, celle de me faire avoir avec ma propre collaboration. Serais-je si infantilisé que cela ?



Jacques SALOME