Gestalt-thérapie & Spiritualité

La folie n'existe plus ?

L'insensé reconnaissant sa folie est, en vérité, sage. Mais l'insensé qui se croit sage est vraiment fou. Bouddha.

 

Regardez votre esprit. Avec calme et recul.
Voyez comme il passe d'un sujet à un autre, d'une idée à une autre, de façon anarchique et décousue, du coq à l'âne, à votre insu et parfois contre votre volonté, surtout lorsqu'il s'agit de pensées ou d'idées désagréables ou anxiogènes. 

L’esprit humain est comme une auberge espagnole mêlant la cognition intelligente au chaos des pensées sans suite qui vagabondent dans le désordre et de façon inachevée d’un sujet à un autre, du passé au futur imaginaire.   Les pensées discursives de l’ego vagabondent dans le bavardage mental qui a pour but de maintenir les défenses psychologiques ainsi que les acquis caduques du passé. Pour ce faire, le mental à pour souci de nous tenir loin de nos sensations, émotions et besoins fondamentaux. 

A ces pensées se joignent donc de façon anarchique le fouillis des passions, des sentiments, des mécanismes de défense psychologique, des contaminations mentales ainsi que « l’Ignorance », aussi appelée la grande méconnaissance de soi. Tout cela porte un nom en sanskrit : les samskaras. 

 Les samskaras sont issus du conditionnement mental, mènent aux réactions mentales et aux activités volontaires. Ils sont contenus dans le Cadre conceptuel* de l’individu et représentent les formations et souillures mentales :
- pensées et discours automatique, processus de ruminations et de jugements-verdicts, illusions et croyances, rêveries et généralisations, poncifs et préjugés, injonctions parentales, élaborations infantiles, méconnaissances et projections diverses, émotions sauvages et perturbatrices, orgueil, constructions mentales émanant des désirs latents insatisfaits, des besoins inassouvis, des représentations distordues ou caduques, de l’amour propre, des situations inachevées, des sources inconscientes des pensées et émotions. Ajoutons les réflexes et tendances, les gestes et comportements habituels et récurrents.
                Les samskaras forment le plan de vie et le karma (loi de causalité), l'action qui donne des résultats futurs, qui conditionne la répétition des choses désagréables toujours identiques et qui, de fait, est ainsi responsable de la forme de notre vie future.

En Orient, on compare donc cet esprit à une bande de singes indisciplinés et dispersés dans les arbres.  L’esprit n’est jamais là, présent, mais toujours avant, ailleurs ou après.
C’est tout cela la Folie. C’est être recouvert et aveuglé par les voiles de l’égo. 

La folie, c'est se comporter de la même manière et s'attendre à un résultat différent. Einstein.

  


Cette incapacité à réfléchir comme nous le désirons, à orienter notre esprit comme nous le voulons et, souvent cette disposition à en être victime, à retomber dans les mêmes impasses, signe irréfutablement notre propension à fonctionner sur un mode automatique, totalement débranchés de ce qui se passe et de ce que nous ressentons ici et maintenant dans le contact à autrui.  Nous ne sommes plus acteurs de nos émotions et pensées, comme si quelqu’un ou quelque chose d’autre nous animait ! Nous sommes partagés, et parfois clivés entre nos besoins profonds et ce que nous dicte notre tête en permanence. En ce sens nous ne sommes pas du tout ni cohérents, ni intègres ou authentiques et entretenons par là des conflits répétés en nous-mêmes.

Qu’on souffre d'un petit trouble du comportement ou d'une grande psychose, l'origine est toujours la même : l'omnipotence de l'ego et de ses pensées anarchiques et constrictives qui donnent naissance aux émotions, aux Passions et aux répétitions.

Afin de récupérer notre esprit de façon sage et constructive, il nous appartient de le canaliser et de nous recentrer afin de le canaliser. Redevenir acteurs de nos pensées, émotions et décisions. Pratiquer la clairvoyance, la concentration et l’attention comme lorsque nous sommes au volant. Riches de nos expériences, au volant nous sommes attentifs de façon automatique. Et de la même façon, riches de nos expériences, nous sommes agités et dispersés de façon automatique sous l’influence de notre disque dur.

Les hommes sont si nécessairement fous que ce serait être fou par un autre tour de folie de n’être pas fou.  Pascal. 

 

Jusqu’à une certaine limite, nous avons tous le droit d’être fous. Notamment au cours du chemin thérapeutique et spirituel où retomber au début dans ses tendances est normal et commun à tous. Ce n’est pas pour autant qu’on ne progresse pas globalement.

Il y a des petites maladies somatiques comme le rhume, et des grosses comme l’infarctus du myocarde. On ne saurait condamner un grippé, un tuberculeux ou un cancéreux. De la même manière, existent de petites maladies psychiques comme l’anxiété ou la jalousie, et des grosses comme la conduite antisociale ou la psychose. Seuls les profanes et les sectes condamnent la folieet invoquent la mort de l’ego.

Portant différents noms comme le diable, Satan, le Mâlin, Mara, etc. et représentée par les démons et les chimères sur les cathédrales, la folie est le pendant de la sagesse et aucun Saint n’a préconisé de la supprimer, seulement de s’en distinguer et de ne plus l’acter.
Sans folie, on ne pourrait comprendre personne et toute compassion serait impossible. Evidemment, la folie engendresouffrance, mais semble être le passage obligé pour la libération. Ne dit-on pas « Tu enfanteras dans la souffrance » ?

On construit des maisons de fous pour faire croire à ceux qui n’y sont pas enfermés qu’ils ont encore la raison. Montaigne.


Récupérer notre esprit est compliqué, tout est toujours très compliqué avec l’ego.
Redevenir simple, naïf, épuré de tous les contaminants mentaux, rester simple toujours, tranquille. Brancher la compassion pour soi-même, l’estime de soi-même et travailler, travailler de façon discontinue mais tranquille, simple, très simple, très posée. Regarder et voir l’esprit sans juger. S’enrichir de ses dysfonctionnements et remercier cet accès constructif pour le présent.
En Orient, on appelle cela l’attitude méditative dans les activités quotidiennes ; en Occident, cela s’appelle l’awareness. Voir ce qui est et cesser de cesser de vouloir voir ce que j’attends.
Être soi, non pas comme ce que je voudrais être mais comme je suis fondamentalement et accepter.

 

Jusqu'à présent nous avons vécu ainsi jusqu’à maintenant. Il est donc totalement inutile et insensé de refuser, se battre, de courir ou dramatiser. Accepter simplement et tranquillement. Tout ce qui suivra pourra germer par conséquent non plus sur les illusions et la méconnaissance mais sur du bon terreau.
Nous ne sommes pas parfaits, nous savons cela depuis de nombreuses années, sinon des centaines d’années. L’expérimenter véritablement et l’accepter, puis l’accepter des autres, c’est totalement différent. Et c’est cela simplement Être.

Jean-Jacques Eric Brabant.